Une trentaine de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont pris part, ce lundi 19 mai, à une manifestation devant la Villa d’accueil, à Musseau, pour exprimer leur indignation et tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences dramatiques de la suspension du financement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) aux programmes de lutte contre le VIH/SIDA en Haïti.
Une mobilisation qui fait écho à une crise sanitaire silencieuse
Cette manifestation intervient dans un contexte de grande inquiétude dans les milieux sanitaires haïtiens, après la décision de l’administration américaine, en février dernier, de mettre un terme au soutien financier qu’elle apportait depuis des années à la lutte contre le VIH/SIDA dans le pays. Ce financement représentait la principale source d’achat et de distribution des traitements antirétroviraux pour les patients haïtiens.
« San medikaman sa yo, se lavi nou ki an danje », a lancé l’un des manifestants, visiblement affecté par la tournure des événements. Des pancartes, des chants de protestation, des cris de désespoir : la scène illustre bien la panique croissante parmi les PVVIH, aujourd’hui confrontés à l’incertitude quant à la continuité de leur traitement.
L’ampleur de la dépendance au financement américain
Selon les dernières statistiques fournies par le Programme national de lutte contre le SIDA (PNLS), environ 150 000 personnes vivent avec le VIH en Haïti. Sur ce nombre, près de 90 000 dépendaient directement des subventions de l’USAID pour accéder à leurs traitements quotidiens. Ce chiffre souligne l’ampleur du vide que laisse le retrait américain dans le système de santé haïtien.
Plusieurs organisations communautaires actives dans l’accompagnement des PVVIH ont exprimé leurs craintes face à cette situation. Elles mettent en garde contre une potentielle recrudescence des cas d’infections, une baisse drastique de l’adhésion au traitement, et une hausse de la mortalité si aucune alternative d’urgence n’est mise en œuvre par les autorités locales ou d’autres partenaires internationaux.
Une interpellation directe de l’État haïtien
Bien que la décision ait été prise sous l’administration Trump, c’est aujourd’hui l’État haïtien qui est pointé du doigt. Beaucoup considèrent que le gouvernement doit désormais prendre ses responsabilités face à cette urgence sanitaire. Les manifestants ne réclament pas uniquement un retour des financements étrangers, mais exigent surtout que des mécanismes internes soient mis en place pour garantir l’accès durable aux soins des PVVIH.
L’enjeu ne se limite pas à une crise de médicaments. Il s’agit d’une remise en question de l’autonomie sanitaire d’Haïti et de la capacité de l’État à prendre le relais dans la gestion des maladies chroniques, en particulier pour les couches les plus vulnérables de la population.
Une mobilisation qui invite à la solidarité
Au-delà des revendications immédiates, la manifestation de ce 19 mai est aussi un cri du cœur adressé à la société haïtienne, à la communauté internationale, et à tous les défenseurs des droits humains. Elle rappelle que les personnes vivant avec le VIH ne sont pas que des statistiques : elles ont des visages, des histoires, et le droit fondamental à la santé.
Dans un contexte où les crises politiques et économiques tendent à occulter les urgences sanitaires, cette mobilisation vise à recentrer le débat public sur une catégorie de citoyens souvent marginalisés. C’est un appel à la solidarité, à l’action, et surtout à la responsabilité collective.
Si aucune mesure concrète n’est prise rapidement, Haïti risque de connaître un retour en arrière significatif dans la lutte contre le VIH/SIDA. Le silence ou l’inaction des autorités pourrait coûter la vie à des milliers de personnes. L’heure n’est plus aux discours, mais à la mise en place d’un plan d’urgence national, capable de remplacer au moins en partie l’appui perdu, et de garantir la continuité des soins.