Une stratégie d’aide qui alimente plus la dépendance que la solution
Alors que la crise haïtienne s’enlise et que les appels à une solution durable se multiplient, l’Organisation des États Américains (OEA), par le biais du Core Group fraîchement relancé, a présenté une énième feuille de route censée guider Haïti vers la stabilité. Sur le papier, l’ambition est grande : paix, élections, gouvernance. Mais à la lecture du document, le doute s’impose : s’agit-il vraiment d’une sortie de crise ou d’une répétition d’échecs bien connus ?
Un plan à 1,3 milliard de dollars… pour entretenir l’urgence
L’OEA annonce un plan structuré autour de cinq piliers d’intervention, avec un budget total estimé à 1,3 milliard de dollars. Pourtant, 908,2 millions de ce montant sont alloués à la réponse humanitaire. En d’autres termes, près de 70% des fonds visent à soulager la misère sans s’attaquer aux causes structurelles de cette misère.
À peine 96 millions de dollars, soit moins de 8%, sont destinés à la stabilisation sécuritaire et au rétablissement de la paix, alors même que l’insécurité généralisée est le verrou principal à tout processus politique ou économique. Plus surprenant encore : le processus électoral reçoit plus de financement que la sécurité elle-même, avec 104,1 millions dédiés à la relance électorale et à la légitimité institutionnelle.
Consensus politique : l’angle mort du projet
L’un des aspects les plus révélateurs de ce plan est sans doute le montant dérisoire de 5,1 millions de dollars alloué au dialogue politique et à la gouvernance. Ce maigre investissement dans le consensus national illustre une vision profondément technocratique du problème haïtien, qui écarte la dimension politique pourtant essentielle à toute reconstruction réelle.
Comme si la stabilité pouvait être achetée à coup de projets humanitaires, sans refonder l’État ni impliquer sérieusement les acteurs haïtiens.
Un air de déjà-vu inquiétant
Un nouveau bureau de coordination est également prévu pour assurer la mise en œuvre de cette feuille de route. Une structure de plus, un mécanisme de suivi de plus… Mais quelles garanties d’efficacité, alors que tant d’initiatives passées se sont noyées dans la bureaucratie et la dépendance internationale ?
L’histoire récente d’Haïti est jonchée d’exemples où les mêmes institutions ont reproduit les mêmes erreurs, avec les mêmes acteurs. De l’échec des élections de 2010 à l’effritement de la gouvernance jusqu’à aujourd’hui, ni l’OEA ni le Core Group n’ont démontré leur capacité à faciliter une sortie de crise réellement haïtienne.
Une feuille de route qui tourne en rond
Plutôt qu’un véritable plan de reconstruction, le document de l’OEA semble reconduire des approches dépassées, où l’aide humanitaire l’emporte sur la souveraineté, et où les questions de sécurité et de gouvernance sont reléguées au second plan.
Pourtant, Haïti n’a pas besoin de solutions temporaires, mais d’un engagement durable, fondé sur la sécurité, le dialogue politique et le renforcement des institutions. C’est à cette condition seulement que cette feuille de route pourra devenir un véritable point de départ, et non un nouveau détour vers l’impasse.
Brinia ELMINIS

























































































































