En quête de solutions face à une crise multidimensionnelle, Haïti mise sur la solidarité régionale lors de la 49e Conférence des chefs d’État de la CARICOM. Mais cette démarche s’inscrit dans un contexte politique interne tendu, où le Conseil présidentiel de transition peine à faire bloc.
Une participation diplomatique stratégique dans un contexte de crise
Montego Bay, Jamaïque. Du 6 au 8 juillet 2025, Haïti était au cœur des discussions de la 49e Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CARICOM. Représenté par le conseiller-président Laurent Saint-Cyr, le pays a tenté de rallier un soutien plus ferme et coordonné de ses partenaires régionaux face à une situation intérieure catastrophique : un effondrement quasi-total des institutions étatiques, une insécurité généralisée et des groupes armés qui contrôlent de larges portions du territoire.
Saint-Cyr a pris la parole pour lancer un appel solennel à la solidarité caribéenne, estimant que seul un appui régional fort pourrait permettre à Haïti d’entamer un processus de stabilisation. Il a particulièrement insisté sur le renforcement de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS), attendue depuis des mois, ainsi que sur le soutien opérationnel et logistique à la Police nationale d’Haïti (PNH).
Rencontres bilatérales et mobilisation régionale
Profitant de la présence de plusieurs dirigeants et partenaires internationaux, Saint-Cyr a multiplié les rencontres bilatérales. Il s’est entretenu avec le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Albert Ramdin, des représentants d’INTERPOL, ainsi que plusieurs chefs de gouvernement de la région.
Ces échanges ont porté sur la coordination sécuritaire, la coopération en matière de renseignements, mais aussi sur le rôle stratégique de la CARICOM dans l’élaboration d’un consensus régional pour sortir Haïti de la spirale de la violence.
Le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness, président en exercice de la CARICOM, a réaffirmé l’engagement du bloc régional. Il a déclaré que la crise haïtienne demeure la priorité numéro un de la CARICOM, et a lancé un appel pour le démantèlement des gangs armés et de leurs réseaux de financement, les considérant comme la principale menace à la stabilité de l’espace caribéen.
Des tensions politiques internes qui fragilisent l’élan diplomatique
Mais cette offensive diplomatique contraste avec une réalité politique interne troublée. Le Conseil présidentiel de transition (CPT), mis en place pour conduire le pays vers des élections libres et restaurer l’ordre institutionnel, est miné par des désaccords internes de plus en plus visibles.
Des tensions croissantes opposent Laurent Saint-Cyr à Fritz Jean, un autre membre influent du Conseil. Ces divergences portent notamment sur la stratégie de transition, la gouvernance de crise, et l’attitude à adopter face aux groupes armés. Tandis que certains partenaires internationaux, comme l’OEA, ont évoqué la possibilité d’un dialogue conditionnel avec certains groupes armés, le CPT reste catégorique : aucune négociation avec les gangs ne sera tolérée.
Cette position, bien que ferme, divise au sein même des acteurs politiques et de la société civile haïtienne, certains y voyant un refus de considérer des solutions pragmatiques face à une situation qui échappe au contrôle de l’État.
Le double défi d’Haïti, regagner l’extérieur et s’unir à l’intérieur
L’initiative de Haïti à la CARICOM montre une volonté claire de réintégrer les dynamiques régionales et de regagner la confiance internationale. Mais aucun soutien externe ne pourra pleinement porter ses fruits si les divisions internes persistent.
Haïti se trouve à un tournant : il lui faut non seulement sécuriser un appui militaire et diplomatique solide, mais aussi construire une gouvernance transitoire cohérente, crédible et unie, sans quoi la transition risque d’échouer une fois de plus.
La reconstruction nationale exige plus que de la solidarité internationale : elle requiert une vision partagée, un cap clair et un engagement ferme des dirigeants haïtiens à agir ensemble pour sortir le pays du chaos.
Brinia ELMINIS

























































































































