Trois sénateurs américains ont officiellement interpellé le Secrétaire d’État Marco Rubio ainsi que la Secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, afin de dénoncer l’implication d’une entreprise militaire privée américaine en Haïti. Sous contrat avec le gouvernement de transition haïtien, cette société liée à l’ancien dirigeant de Blackwater, mène des opérations armées sur le territoire haïtien, suscitant de vives inquiétudes sur les plans juridique, éthique et politique.
Une mission secrète sous haute tension
Dans une lettre datée du 24 juillet 2025, les sénateurs Edward Markey, Raphaël Warnock et Peter Welch expriment de sérieuses préoccupations quant aux actions de Blackwater Worldwide (désormais liée à Erik Prince) en Haïti. Selon eux, l’entreprise aurait commencé à fournir des drones armés, des armes de guerre, et environ 150 mercenaires pour épauler la lutte contre les gangs qui contrôlent une grande partie de Port-au-Prince.
Si ces opérations sont confirmées, elles seraient menées sans transparence publique, ce qui alimente le flou autour des véritables intentions du gouvernement de transition haïtien et des conditions d’intervention de cette société étrangère.
Incertitudes juridiques et préoccupations légales
Les sénateurs rappellent que toute exportation d’armes ou de services militaires privés vers un pays étranger nécessite, selon la loi américaine (AECA/ITAR), des licences spécifiques délivrées par le Département d’État.
Deux scénarios sont possibles :
- Si des licences ont été délivrées, cela soulèverait des questions sur le respect des critères du NSPM-10, qui interdit tout soutien à des forces liées à des violations des droits humains.
- Si aucune licence n’a été émise, alors ces activités constituent une violation claire de la législation américaine, exposant les responsables à des sanctions pénales.
De plus, la Leahy Law interdit toute coopération avec des unités étrangères impliquées dans des abus avérés. Or, la Police nationale haïtienne (PNH), qui bénéficierait potentiellement du soutien de Blackwater, est accusée à plusieurs reprises de violations graves des droits humains.
Une contradiction frappante dans la politique américaine
Les sénateurs dénoncent une politique étrangère incohérente : alors que les États-Unis soutiennent indirectement une opération militaire privée en Haïti, ils refusent d’accueillir les ressortissants haïtiens en quête de protection.
En effet, l’administration américaine prévoit de mettre fin au TPS (Statut de protection temporaire) pour les Haïtiens dès août 2025 et maintient un travel ban interdisant aux citoyens haïtiens d’entrer sur le territoire.
La question posée par les sénateurs est directe :
Comment justifier que le pays soit considéré à la fois trop dangereux pour y vivre, et suffisamment stable pour y renvoyer des migrants et y mener des opérations militaires ?
Les demandes des sénateurs
Les élus exigent des explications claires avant le 15 août 2025. Ils demandent à savoir :
- si des licences ont été accordées pour ces opérations ;
- quelles garanties encadrent l’action de cette entreprise militaire privée ;
- et comment la politique migratoire actuelle peut être moralement justifiée à la lumière de ces interventions.
Cette lettre marque un tournant dans l’implication américaine en Haïti. Elle expose une contradiction profonde entre l’action militaire indirecte des États-Unis et leur politique migratoire restrictive, au détriment du peuple haïtien.
Les sénateurs appellent à la cohérence, à la légalité et à la transparence, sans quoi Washington risque de s’enliser dans une stratégie confuse, voire complice, dans un pays déjà marqué par l’instabilité, la violence et la méfiance envers les puissances étrangères.
Brinia ELMINIS

























































































































