Entre perquisition, audit et révélations citoyennes, le ministère de la Jeunesse est plongé dans une tourmente politico-financière majeure.
Port-au-Prince, 17 juillet 2025. Le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) est aujourd’hui au cœur de l’un des plus graves scandales de gestion publique de ces dernières années. En moins de quinze jours, trois institutions majeures, l’ULCC, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), et l’organisation citoyenne Ensemble Contre la Corruption (ECC) ont convergé sur un même dossier : des soupçons de détournement de fonds publics, liés à l’organisation des festivités du 18 mai 2025, célébrant la fête du drapeau.
Perquisition spectaculaire de l’ULCC
Le mercredi 16 juillet, des agents de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) ont investi les locaux du MJSAC situés à la Route de Frères. L’opération, menée dans le cadre d’une enquête ouverte depuis six mois, a permis la saisie de plusieurs éléments compromettants : documents administratifs, matériel numérique, et surtout un coffre contenant 1 225 500 gourdes en espèces.
Selon la note officielle signée par le directeur général Hans Jacques Ludwig Joseph, cette somme pourrait être liée à un décaissement de 50 millions de gourdes attribué aux festivités du 18 mai, mais dont la traçabilité pose de sérieuses questions.
Un rapport citoyen déclencheur
Cette intervention musclée de l’ULCC intervient quelques jours seulement après la publication, le 3 juillet, d’un rapport accablant de l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC). L’enquête, appuyée par des témoignages internes, documente une série de malversations survenues entre le 4 et le 30 juin 2025 :
- Utilisation abusive de cartes bancaires pour des dépenses personnelles
- Paiement de biens non livrés
- Détournement de chèques
- Extorsion de bénéficiaires dans le cadre de programmes sociaux
L’ampleur et la répétition de ces pratiques ont conduit l’opinion publique à exiger des mesures urgentes.
La CSC/CA entre dans la danse
Dans ce climat de suspicion croissante, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) a adressé, le 15 juillet, une lettre officielle à la ministre Niola Lynn Sarah Dévalis Octavius, l’informant du lancement d’un audit exhaustif couvrant la période du 1er octobre 2023 au 30 juin 2025.
Signé par le président de la Cour, Rogavil Boisguéné, le courrier exige la transmission, au plus tard le 29 juillet, de toutes les pièces justificatives des opérations financières du ministère : rapports d’activités, contrats, états financiers, inventaires, etc.
Manœuvre politique ou prédation systémique ?
Tandis que certains cadres du pouvoir dénoncent une « opération de déstabilisation politique » ciblant la ministre, d’autres y voient la manifestation d’un système bien rodé de prédation enraciné dans l’administration publique haïtienne. Les révélations successives et la mobilisation conjointe des institutions laissent penser qu’il ne s’agit pas d’un simple incident isolé.
Une affaire emblématique d’un mal plus profond
Ce scandale met une fois de plus en évidence les failles criantes de gouvernance, l’opacité budgétaire et l’absence de mécanismes de contrôle efficaces au sein de l’État haïtien. Au-delà du MJSAC, c’est toute la question de la gestion des ressources publiques, de la redevabilité et de la lutte contre l’impunité qui est relancée.
La population, de plus en plus méfiante, attend désormais des réponses claires, des sanctions exemplaires et des signaux fermés. Il ne suffit plus de dénoncer : il faut agir et reconstruire la confiance dans les institutions.
Brinia ELMINIS
















































































































































































































