États généraux aux Cayes : renforcer la participation politique des femmes et lutter contre les violences électorales
Aux Cayes, ce vendredi 12 décembre 2025, le lancement officiel des États généraux sur la participation politique des femmes et les violences électorales a marqué bien plus qu’un simple rendez-vous institutionnel. Il a posé, de manière explicite, la question de la crédibilité même du prochain processus électoral dans un pays où l’exclusion, l’insécurité et les violences ciblées ont longtemps fragilisé la démocratie.
Organisée à l’Hôtel La Cretonne, la cérémonie d’ouverture a réuni des acteurs clés de la gouvernance et du système électoral, notamment les Conseillers présidentiels Frinel Joseph et Leslie Voltaire, les Conseillères électorales Yves Marie Édouard et Magalie Georges, ainsi que la Représentante d’ONU Femmes en Haïti, Marie Goretti Nduwayo. À travers leur présence, les autorités ont voulu envoyer un signal politique fort : la participation des femmes n’est plus un enjeu périphérique, mais un pilier central de la reconstruction démocratique.
Cependant, au-delà du symbole, l’initiative s’inscrit dans une réalité préoccupante. Depuis plusieurs cycles électoraux, les femmes candidates, militantes et électrices sont exposées à des formes spécifiques de violences : intimidation, agressions verbales, pressions communautaires et, parfois, menaces physiques. Dès lors, poser la question de leur participation sans aborder frontalement les violences électorales reviendrait à traiter le problème à la surface, sans s’attaquer à ses racines.
À cet égard, les interventions des autorités locales ont donné un ancrage territorial à la réflexion. La mairesse des Cayes, Claire Daphnée France, a rappelé que le département du Sud n’est pas seulement un lieu d’accueil de ces États généraux, mais un espace où les femmes jouent déjà un rôle actif dans la vie communautaire, souvent sans reconnaissance institutionnelle suffisante. Ainsi, ces assises apparaissent comme une tentative de faire le lien entre engagement de terrain et participation formelle au pouvoir politique.
Par ailleurs, la Directrice départementale du MCFDF-Sud, Claire Yvrose Élysée, a présenté les six grands axes issus des consultations menées du 4 au 10 décembre à travers les départements. Cette démarche consultative, fondée sur l’écoute et la remontée des préoccupations locales, renforce la légitimité du processus. Elle répond également à une exigence déontologique fondamentale : fonder l’action publique sur des faits, des données et des expériences concrètes plutôt que sur des déclarations de principe.
En outre, l’appui d’ONU Femmes, par la voix de Marie Goretti Nduwayo, inscrit ces États généraux dans une dynamique internationale de promotion de l’égalité politique. Toutefois, cette dimension internationale ne saurait se substituer à la responsabilité nationale. La crédibilité du processus électoral haïtien dépendra, en dernier ressort, de la capacité des institutions à traduire ces engagements en mécanismes concrets de protection, d’accompagnement et d’accès équitable aux fonctions électives.
Ainsi, ces États généraux constituent un moment charnière. Soit ils débouchent sur des recommandations opérationnelles, intégrées au cadre électoral et sécuritaire, soit ils rejoignent la longue liste des initiatives restées sans suite. L’enjeu dépasse la seule condition des femmes : il concerne la confiance des citoyens dans les élections à venir et la capacité de l’État à garantir un espace politique libre, sûr et équitable.
En conclusion, promouvoir la participation politique des femmes sans combattre efficacement les violences électorales serait une illusion démocratique. À l’inverse, faire de cette participation un indicateur central de la transparence et de la légitimité du scrutin peut ouvrir la voie à une démocratie plus crédible et plus inclusive. Les États généraux lancés aux Cayes placent les autorités face à une responsabilité claire : passer des discours aux actes, et des engagements aux résultats mesurables.
Brinia ELMINIS
