
MHAVE et diaspora : controverse autour du rôle réel du ministère et des responsabilités de l’État
La récente déclaration de la ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, Kathia Verdier, affirmant que son rôle se limite à constater les difficultés de la diaspora et à transmettre leurs doléances, a ravivé un malaise plus profond : celui de la perception du rôle réel et de l’efficacité du ministère chargé de représenter des millions d’Haïtiens vivant hors du territoire national.
D’emblée, cette prise de position a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Toutefois, au-delà des commentaires ironiques, elle pose une question essentielle : le ministère des Haïtiens vivant à l’étranger peut-il se concevoir comme un simple organe d’observation, ou doit-il assumer une responsabilité active dans la défense et l’accompagnement de la diaspora ?
En effet, le MHAVE a pour missions la protection des droits des Haïtiens vivant à l’étranger, l’accompagnement des migrants et des rapatriés, la facilitation de leur réintégration ainsi que la promotion de leur participation au développement national. À ce titre, la fonction ministérielle implique nécessairement une capacité d’initiative, de coordination et de suivi des politiques publiques, et non une posture strictement déclarative.
Or, cette lecture restrictive du rôle du ministère contraste avec certaines actions antérieures. Ainsi, en 2024, dans un contexte de rapatriements massifs d’Haïtiens depuis la République dominicaine, le MHAVE a été associé à un projet d’accompagnement impliquant une demande de subvention de 17 500 000 gourdes auprès du Fonds national de l’éducation (FNE), au profit de l’entreprise Tasty Bites. Cette démarche traduisait, de fait, une implication directe du ministère dans la mise en œuvre d’un programme destiné aux migrants.
Cependant, selon les conclusions de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), les fonds sollicités n’auraient pas été utilisés conformément à leur objectif initial. L’analyse des factures produites aurait révélé des incohérences, notamment l’absence de relations commerciales établies entre l’entreprise bénéficiaire et les sociétés citées comme prestataires. Ces éléments ont contribué à relancer le débat sur la gestion des ressources publiques destinées aux migrants.
Dès lors, la controverse actuelle ne saurait être réduite à une simple maladresse de communication. Elle renvoie plus largement à un enjeu de cohérence entre le discours public, les actes posés et les responsabilités institutionnelles assumées au fil du parcours ministériel. Dans un contexte de crise migratoire persistante, où la diaspora demeure à la fois vulnérable et stratégique pour le pays, toute déclaration officielle engage non seulement la personne de la ministre, mais aussi l’image et la légitimité de l’État.
Par conséquent, le débat mérite d’être abordé avec mesure et équité. Si la ministre ne peut être jugée sur la base de perceptions ou de sobriquets, il n’en demeure pas moins que la fonction qu’elle occupe appelle des clarifications, des résultats tangibles et une communication en phase avec les attentes légitimes des Haïtiens vivant à l’étranger.
Cette controverse souligne une réalité précise : le MHAVE ne peut se limiter à constater les difficultés de la diaspora sans en assumer pleinement la prise en charge institutionnelle. Les missions du ministère exigent des actions concrètes, une gestion rigoureuse des ressources publiques et une communication cohérente. Dans un contexte migratoire critique, la crédibilité de l’État dépend de résultats vérifiables et d’une responsabilité clairement assumée.
Brinia ELMINIS











































































































































































