À un moment où Haïti cherche à convaincre qu’elle avance réellement vers la stabilité et le retour à l’ordre constitutionnel, la visite officielle du Secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA), Albert R. Ramdin, prend une dimension stratégique. Plus qu’un déplacement diplomatique, elle s’impose comme une évaluation grandeur nature du sérieux de la transition.
D’abord, cette mission intervient dans un contexte où les autorités de transition multiplient les signaux en faveur de la sécurité publique et de la restauration de l’autorité de l’État. La montée en puissance des forces de sécurité, le déploiement plus cohérent de la Police nationale et les opérations menées avec l’appui de partenaires internationaux traduisent une volonté manifeste de rétablir un climat plus stable. Cependant, cette volonté doit désormais se mesurer à sa capacité à produire des résultats durables, notamment dans les zones longtemps affectées par la violence.
Ensuite, l’adoption récente du Décret électoral marque une étape que les autorités présentent comme déterminante. Ce cadre légal ouvre la voie au redémarrage du processus électoral, indispensable pour sortir le pays de l’exception et rétablir la normalité institutionnelle. Toutefois, passer d’un texte juridique à une dynamique électorale crédible exige bien plus : un dispositif de sécurité opérationnel, une administration électorale fonctionnelle et un environnement politique apaisé. C’est précisément sur ces points que la visite du Secrétaire général de l’OEA apparaît comme un moment de vérification.
Par ailleurs, la rencontre prévue avec le Conseil présidentiel de Transition, la Primature, le CEP et les équipes techniques de l’OEA s’inscrit dans une logique de coordination. À travers ces échanges, les partenaires internationaux cherchent à mesurer le degré de préparation réelle du pays et la cohérence des réformes annoncées. L’OEA, qui accompagne Haïti depuis plusieurs cycles politiques, semble vouloir s’assurer que les engagements pris par les autorités s’inscrivent dans une feuille de route réaliste et exécutable.
De plus, les déplacements prévus dans le Nord et le Nord-Est, notamment au Centre tactique de Morne Casse et au commissariat rénové de Terrier Rouge illustrent un autre enjeu majeur : l’état des infrastructures de sécurité. En mettant en avant ces réalisations, les autorités entendent présenter un pays qui investit dans ses institutions régaliennes. Cependant, l’enjeu ne réside pas uniquement dans les infrastructures, mais aussi dans la capacité à les maintenir fonctionnelles, dotées en personnel et intégrées dans une stratégie globale de protection de la population.
Enfin, les réunions conjointes avec la Banque mondiale, la BID, la PADF et le bureau de l’OEA constituent un indicateur de plus : celui de la confiance internationale. Car, au-delà des déclarations politiques, la transition joue une partie importante sur le terrain de la crédibilité technique. C’est cette crédibilité, justement, que la visite de Ramdin vient examiner à l’aune des réformes annoncées, de la cohérence des actions menées et de la capacité de l’État à aligner discours et réalité.
La présence en Haïti du Secrétaire général de l’OEA ne relève pas d’un simple rituel diplomatique. Elle représente un moment de vérité pour les autorités de transition, appelées à démontrer qu’elles sont en mesure de conduire le pays vers des élections crédibles et un retour à l’ordre constitutionnel. En évaluant les progrès accomplis, les capacités institutionnelles et le sérieux des engagements pris, cette visite met en lumière une question essentielle : Haïti est-elle prête à transformer ses intentions en résultats concrets ? La réponse à cette interrogation déterminera non seulement la suite du processus politique, mais aussi la confiance que la communauté internationale continuera ou non d’accorder à la transition en cours.
Brinia ELMINIS
