Le Bénin a annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt international contre l’activiste panafricain Kémi Séba, à la suite de propos interprétés par les autorités comme un soutien à une tentative de coup d’État récemment déjouée. Cette décision relance un débat sensible sur les limites de la liberté d’expression, la responsabilité publique des figures militantes et la préservation de l’ordre constitutionnel.
Tout d’abord, les faits rapportés par les autorités béninoises s’inscrivent dans un contexte de forte tension politique. Selon les informations officielles, une tentative de prise de pouvoir par la force a été neutralisée par les forces de sécurité, permettant le maintien des institutions en place. Dans les heures qui ont suivi, plusieurs interpellations ont été opérées, tandis que le gouvernement affirmait vouloir identifier toutes les personnes soupçonnées d’avoir encouragé ou légitimé cette initiative.
Dans ce cadre, Kémi Séba est visé pour des déclarations publiques diffusées sur les réseaux sociaux au moment des événements. Les autorités estiment que certains de ses propos, qualifiés de valorisants ou de justificatifs à l’égard de l’action militaire, relèveraient de l’incitation à l’atteinte à la sûreté de l’État. Sur cette base, un mandat d’arrêt international a été engagé, marquant une étape judiciaire importante mais encore soumise à l’appréciation des instances compétentes.
Cependant, il convient de rappeler le parcours de l’intéressé afin d’éclairer le contexte sans préjuger de sa responsabilité pénale. Figure controversée du panafricanisme radical, Kémi Séba s’est imposé au fil des années par un discours virulent contre les systèmes politiques postcoloniaux, le franc CFA et l’influence occidentale en Afrique. Son activisme lui a valu une notoriété transnationale, mais également plusieurs condamnations et expulsions dans différents pays, renforçant une image clivante.
Par ailleurs, la réaction observée sur les réseaux sociaux révèle une évolution notable. Longtemps soutenu par une base militante fidèle, l’activiste fait désormais face à une contestation croissante, y compris parmi des internautes panafricanistes, qui dénoncent des prises de position jugées excessives ou dangereuses dans un contexte déjà instable. Cette fracture numérique témoigne d’un débat plus large sur la responsabilité morale et politique des leaders d’opinion.
De surcroît, l’environnement régional renforce la sensibilité de l’affaire. L’Afrique de l’Ouest est marquée ces dernières années par une succession de coups d’État, nourrissant une vigilance accrue des États face à tout discours susceptible de légitimer la rupture de l’ordre constitutionnel. Dans cette perspective, les autorités béninoises affirment agir au nom de la prévention et de la dissuasion.
Néanmoins, conformément aux principes déontologiques du journalisme, il est impératif de distinguer clairement les faits établis des interprétations, de rappeler que la présomption d’innocence demeure, et de souligner que la qualification juridique des propos reprochés relève exclusivement de la justice. Toute couverture médiatique responsable doit également donner accès aux positions de la défense et éviter l’amalgame entre militantisme idéologique et participation directe à une action violente.
Le mandat d’arrêt international visant Kémi Séba illustre la tension persistante entre liberté d’expression et sécurité de l’État dans un contexte régional fragile. Sans banaliser la portée des discours publics tenus en période de crise, l’enjeu demeure de garantir un traitement équitable, rigoureux et mesuré de cette affaire. Plus que jamais, l’exigence de vérité, de proportion et de responsabilité s’impose, tant aux autorités qu’aux acteurs médiatiques et politiques.
Brinia ELMINIS









































































































































































