Alors que la crise sociale et politique fragilise davantage les repères nationaux, le mouvement Lajènès Kisa w vle ? multiplie les initiatives pour porter la voix d’une jeunesse longtemps marginalisée. La récente causerie sur la prévention du VIH/Sida à Port-de-Paix et les événements survenus dans le département de l’Ouest illustrent, à eux seuls, l’ampleur des défis auxquels se heurte cette génération.
Pour commencer, l’activité organisée par la coordination départementale du Nord-Ouest a rencontré un véritable succès. La rencontre, tenue en prélude à la fête de l’Immaculée, a rassemblé plusieurs jeunes autour d’un échange éducatif consacré à la prévention du VIH/Sida. Selon le coordonnateur départemental, Clifford Laurent, la participation élevée témoigne d’une volonté réelle des jeunes de s’informer, de s’impliquer et de s’orienter vers des initiatives axées sur la santé publique. Il a chaleureusement remercié les participants et souligné la portée sociale de ce type d’action.
À l’inverse, la dynamique rencontre une réalité beaucoup plus complexe dans le département de l’Ouest. La coordination y prévoyait une marche pacifique, finalement dispersée par la police. Selon le secrétaire général du mouvement, Claudinal Nazaire, les autorités n’auraient pas souhaité que l’événement se tienne. Il dénonce ce qu’il considère comme un usage injustifié de la force et estime que la mobilisation de la jeunesse dérange certains acteurs influents. Cette situation, replacée dans une analyse journalistique équilibrée, met en lumière les tensions persistantes entre expression citoyenne et gestion sécuritaire de l’espace public.
Parallèlement, la posture actuelle du mouvement Lajènès kisa w vle ? s’inscrit dans une stratégie plus large visant à repositionner la jeunesse comme un acteur majeur du débat national. Le mouvement porte depuis plusieurs années les revendications d’une génération confrontée à des défis économiques, éducatifs et sociaux considérables. Ses actions, qu’elles relèvent de l’éducation ou de la revendication, traduisent une volonté claire de structurer un engagement civique durable, malgré les résistances institutionnelles persistantes.
De surcroît, l’annonce d’une nouvelle marche pacifique fixée au 7 janvier 2026 confirme cette détermination. Selon le mouvement, l’objectif est explicite : permettre à la jeunesse, majoritaire au sein de la population haïtienne, d’exprimer ses aspirations et de faire entendre ses préoccupations sur la scène publique. Cette initiative reflète une volonté d’apaisement, mais également une exigence de reconnaissance citoyenne, dans un contexte où l’espace civique se rétrécit sous l’effet combiné de l’insécurité et des tensions politiques.
Dans cette perspective, replacer ces événements dans le parcours du mouvement permet de mieux comprendre la cohérence de ses actions. Depuis sa création, Lajènès kisa w vle ? se présente comme un espace de revendication pacifique, fondé sur l’éducation, la sensibilisation et la participation citoyenne. Malgré les obstacles rencontrés, il continue de promouvoir un cadre d’engagement non violent, fidèle à ses principes fondateurs et à son rôle d’intermédiaire entre la jeunesse et les institutions.
En définitive, au-delà des activités perturbées ou des tensions observées, les initiatives du mouvement Lajènès kisa w vle ? rappellent une réalité fondamentale : la jeunesse haïtienne refuse de rester en marge du processus démocratique. Dans un pays en quête de stabilité, lui permettre d’occuper pleinement son espace civique constitue non seulement un impératif démocratique, mais aussi une nécessité sociale. Si les autorités souhaitent apaiser les tensions et renforcer la participation citoyenne, elles devront garantir le respect des libertés publiques, reconnaître le rôle incontournable des jeunes et favoriser un dialogue constructif, loin de toute confrontation inutile.
Brinia ELMINIS
