
Évaluation de la PNH : responsabilité institutionnelle et défis sécuritaires en Haïti
L’édition publiée par Radio Télé Métronome, relatant les critiques formulées par le journaliste Jean Corvington, à l’encontre du directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Vladimir Paraison, relance un débat essentiel : celui de la responsabilité institutionnelle en période d’exception sécuritaire. Alors que l’opinion publique demeure profondément marquée par les récents déplacements de chefs de gangs à Bel-Air et par l’arrestation de Kempès, une interrogation majeure s’impose : comment évaluer, de manière juste et professionnelle, la performance d’une institution chargée de protéger la population dans un contexte d’effondrement généralisé de l’État ?
Dans un premier temps, il convient de rappeler que la PNH opère dans un environnement où les ressources humaines, matérielles et logistiques sont drastiquement réduites depuis plusieurs années. Accuser une seule autorité de la paralysie sécuritaire s’apparente donc à une simplification excessive. Toutefois, les événements récents, notamment le déplacement de membres du groupe « 400 Mawozo » sans intervention policière, soulèvent légitimement des interrogations sur la capacité de l’institution à reprendre le contrôle des zones stratégiques. Les réactions du public et des observateurs traduisent d’ailleurs moins un jugement individuel qu’une inquiétude collective.
Par ailleurs, l’analyse de ces faits impose de replacer le débat dans le parcours institutionnel de Vladimir Paraison. Depuis sa nomination, il a hérité d’une police fragmentée, affaiblie par une crise politique chronique et confrontée à un phénomène criminel en constante évolution. À plusieurs reprises, il a dû arbitrer entre urgence opérationnelle et manque de moyens, entre pression populaire et exigences légales. Ces contraintes, néanmoins, n’exemptent pas son administration d’un devoir de résultats, notamment en matière de coordination des unités, de communication interne et de stratégie nationale de sécurité.
De plus, au-delà des critiques formulées dans l’éditorial de Jean Corvington, un principe fondamental du journalisme doit rester central : la mise en contexte. Informer ne consiste pas uniquement à rapporter des faits, mais aussi à permettre au public de comprendre les responsabilités partagées entre les autorités politiques, la chaîne de commandement policière, les partenaires internationaux et les communautés locales. Ainsi, l’inefficacité d’une opération ou la fuite d’un groupe armé ne peut être analysée sans évoquer les limites systémiques qui paralysent la sécurité publique depuis plus d’une décennie.
En outre, les appels à la démission, bien qu’ils relèvent d’un débat démocratique légitime, doivent s’appuyer sur une évaluation objective de la gouvernance policière. Cela implique d’examiner non seulement les récents revers, mais aussi les efforts consentis, les opérations réalisées, les restructurations engagées et les engagements pris pour renforcer la présence territoriale de la PNH. Cette analyse doit être menée avec recul, sans céder à l’émotion, afin d’éviter d’alimenter la dynamique du bouc émissaire dans un pays déjà affaibli.
Finalement, les événements survenus à Bel-Air et à Croix-des-Bouquets illustrent une crise profonde, multiforme, qui dépasse largement la seule dimension policière. Ils rappellent que le rétablissement de la sécurité nationale ne repose pas exclusivement sur les épaules d’un directeur général, mais sur l’ensemble des mécanismes institutionnels de l’État. Ainsi, l’heure n’est pas seulement aux reproches, mais à une réflexion collective, équilibrée et constructive sur les conditions nécessaires pour permettre enfin à la PNH d’assumer pleinement sa mission.
En conclusion, plutôt que de s’enfermer dans une logique accusatoire, l’analyse responsable exige de replacer chaque fait dans un cadre plus large. La crise actuelle démontre que le pays ne retrouvera la sécurité qu’à travers une gouvernance cohérente, le renforcement institutionnel et un engagement commun. À cette condition seulement, la population pourra espérer une véritable rupture avec l’insécurité qui la ronge.
Brinia ELMINIS

























































































































































































































































































































