Le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC) est de nouveau au cœur d’un scandale. Dans un rapport transmis ce lundi à la justice et à la presse, l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) révèle de graves irrégularités dans la gestion des 50 millions de gourdes alloués pour l’organisation de la fête du drapeau, le 18 mai 2025. L’institution anticorruption recommande l’ouverture formelle de l’action publique contre la ministre Niola Lyn Sara Devalis Octavius ainsi que plusieurs cadres du ministère.
Selon l’ULCC, l’enquête a été déclenchée à la suite d’une plainte déposée par l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC), évoquant un possible détournement de fonds lié à un chèque de 50 millions de gourdes destinés aux activités officielles du 18 mai. Pour vérifier ces allégations, les enquêteurs ont sollicité des documents auprès du MJSAC, du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et des institutions bancaires, tout en auditionnant plusieurs fonctionnaires considérés comme essentiels à la compréhension du dossier.
D’après le rapport, deux correspondances signées par la ministre Octavius ont été adressées le 16 mai 2025 au MEF. L’une désignait Jildas Jacques, administrateur du MJSAC, comme bénéficiaire d’un chèque de 50 millions de gourdes. L’autre demandait l’exécution de la réquisition de paiement. Si la requête avait initialement été refusée, elle a ensuite été validée, aboutissant à l’émission du chèque. Toutefois, les dépenses soumises ultérieurement par la Direction Administrative et du Budget (DAAB) présentent d’importants manquements.
Lors de ses auditions, Jildas Jacques a d’abord affirmé avoir transféré la totalité du montant à la ministre par l’intermédiaire de son chef de sécurité, avant de modifier sa version. Il a, cependant, reconnu l’irrégularité des pièces justificatives et admis ses propres manquements en tant que responsable comptable par intérim.
Parallèlement, 9 millions de gourdes ont été versés aux directions départementales pour l’organisation de la fête du drapeau. L’ULCC relève que plus de 2 millions de gourdes, soit 22,33 % de ce montant, demeurent entachés d’irrégularités. Les directions du Nord, du Sud-Est, du Nord-Est et de l’Ouest sont pointées du doigt pour des contradictions, absences de pièces justificatives ou dépenses non conformes.
De manière générale, sur les 50 millions de gourdes décaissés, un montant de 2 606 204 gourdes reste sans justification. Une somme de 1,454 million de gourdes a par ailleurs été retrouvée et placée sous scellés lors d’une perquisition effectuée au MJSAC le 16 juillet.
L’ULCC dénonce également une passation illégale de marché public concernant l’achat de drapeaux pour la fête du drapeau. Deux fournisseurs ont été sollicités à quelques jours d’intervalle, mais pour des montants radicalement différents : 655 000 gourdes pour le premier et plus de 10 millions de gourdes pour le second. Ce dernier montant dépasse largement le seuil légal fixé pour les marchés publics, en violation du décret du 14 avril 2025 et de la loi du 10 juin 2009.
En conséquence, l’ULCC recommande un audit complet de la gestion de la ministre par la Cour Supérieure des Comptes (CSC/CA), ainsi que la mise en mouvement de l’action publique contre la ministre Octavius pour passation illégale de marché, abus de fonction et détournement de biens publics. Plusieurs directeurs départementaux, cadres du MJSAC et entrepreneurs sont également cités pour prise illégale d’intérêts, détournement de fonds ou faux et usage de faux.
Cette affaire intervient alors que la ministre Octavius avait déjà été indexée en septembre dans un autre rapport de l’ULCC, qui l’accusait d’avoir détourné 10 millions de gourdes destinés aux célébrations de la bataille de Vertières. Malgré ces accusations répétées, elle occupe toujours la tête du ministère.
Avec ce nouveau rapport, l’ULCC renforce sa pression sur les autorités judiciaires, appelées à engager des poursuites pour élucider l’un des plus importants scandales financiers récents au sein de l’administration publique haïtienne
Carina PETIT-HOMME

























































































































































































































































































































