Le marché illégal des cartes SIM anonymes persiste, entravant les enquêtes policières et facilitant les activités criminelles, malgré une réglementation existante.
Au cœur de la crise des enlèvements et des violences qui paralyse Haïti, un outil essentiel pour les criminels se vend en toute impunité : la carte SIM anonyme. En dépit d’une directive claire du Conseil National des Télécommunications (CONATEL) exigeant l’enregistrement de toutes les cartes SIM avec une pièce d’identité, la pratique perdure. Dès janvier 2024, des rapports de Ayibopost révélaient que des vendeurs à proximité même des bureaux des opérateurs (Digicel et Natcom) écoulaient des cartes sans aucune vérification d’identité, une violation flagrante qui facilite la communication anonyme pour les gangs.
Ce phénomène va bien au-delà d’une simple infraction réglementaire ; il est au cœur d’un mécanisme qui alimente l’insécurité. Lorsqu’un criminel peut acheter un numéro sans vérification, il obtient un passeport pour communiquer sans crainte afin d’organiser des enlèvements, des trafics ou des extorsions, sans risque d’être identifié. Le travail des enquêteurs de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) en est rendu presque impossible : ils poursuivent une piste fantôme. Les investigations butent systématiquement sur un mur : des numéros non attribués à une identité légale dans aucune base de données officielle.
La persistance de cette faille s’explique par plusieurs facteurs. On observe d’abord une absence d’application effective des règles édictées par le CONATEL. En l’absence de sanctions dissuasives et pénalement significatives, les opérateurs télécoms et leurs revendeurs n’ont que peu de motivation à respecter la loi. De plus, la collaboration entre les autorités de régulation, les forces de l’ordre et les opérateurs semble insuffisante, créant un environnement où les intérêts commerciaux vendent plus de cartes, priment trop souvent sur la responsabilité sociale et la sécurité publique. Des questions sur l’éthique des entreprises et la volonté politique réelle se posent avec acuité.
L’impunité des SIM, symptôme d’une défaillance systémique
Le marché des SIM non enregistrées est bien plus qu’un problème technique ; c’est le symptôme d’une défaillance systémique. Sa persistance révèle une carence criante en matière de gouvernance, une incapacité à appliquer la loi et un déficit de responsabilité collective. Elle démontre comment une faille administrative se transforme directement en crise sécuritaire, au prix de vies humaines.
La solution n’est pas hors de portée si une volonté politique réelle est affirmée. Elle nécessite des décisions courageuses, et non des promesses. Allons-nous accepter que les communications criminelles restent intraçables ? Allons-nous laisser cette impunité technologique devenir la norme ? La réponse ne se trouve pas dans un rapport, mais dans une action immédiate, transparente et responsable. Seule une mobilisation totale et un engagement sans faille de tous les secteurs peuvent retirer cette arme des mains des criminels. Dans le cas contraire, le pays continuera de s’enliser dans le même cycle de violence et d’insécurité, paralysé par l’absence de volonté.
Brinia ELMINIS

















































































































































































































